Le Président Emmanuel Macron vient d’effectuer une visite officielle de trois jours dans notre pays. Le contexte est donc favorable pour revenir sur la coopération entre la France et l’Afrique, communément et péjorativement appelée la « Françafrique ».
Auparavant, il y a lieu de relever que lors de cette visite, d’importants accords ont été conclus entre notre pays et l’hexagone. Ces conventions portent dans divers domaines tels que la coopération économique, l’éducation, la sécurité, le transport ferroviaire ou aérien. Aussi, l’occasion a-t-elle été saisie pour mobiliser des fonds substantiels destinés à endiguer l’avancée de la mer, à reloger des familles victimes de l’érosion côtière et à protéger notre patrimoine culturel. C’est donc le lieu de féliciter le chef de l’État Macky Sall et son gouvernement pour ces actes qui matérialisent une fois de plus sa ferme volonté de soulager les populations et de fortifier notre économie.
Cela dit, si nous revenons à la « Françafrique », force est d’admettre qu’elle déchaine les passions et suscite de nombreuses protestations depuis un certain nombre d’années. Les illustrations les plus actuelles sont les manifestations organisées dans le cadre de la lutte contre le FCFA et les APE. Cette hostilité vis-à-vis de l’ancien colon s’explique par diverses raisons. La France demeure notre partenaire privilégié depuis les indépendances. Pourtant, on a le sentiment que cela n’a pas profité à nos États qui continuent de s’enliser dans la précarité et le sous-développement. De plus, nombreux sont ceux qui estiment que le pays du Président Macron a été impliqué dans l’assassinat de certains chefs d’État africains. Ces différents motifs ont conduit la plupart des peuples africains, notamment les jeunesses africaines, à rejeter les français. Les plus radicaux préconisent de rompre purement et simplement tout lien avec ces derniers.
Il est évident que la « Françafrique », en tant que système de domination néocolonial, ne peut plus perdurer. D’abord, sur le plan géopolitique, nous assistons, depuis quelques temps, à de profondes mutations. Grâce à ses belles perspectives de développement et le rôle stratégique qu’elle peut jouer dans la lutte contre le terrorisme, l’Afrique devient de plus en plus la nouvelle attraction du monde. Ensuite, les avancées démocratiques obtenues par nos États ont facilité un éveil des consciences et une forte émancipation des populations africaines. Désormais, celles-ci n’hésitent plus à exercer une pression sur les dirigeants et à réclamer davantage de rigueur et de transparence dans la gestion de leur patrimoine. Il apparaît ainsi que la « Françafrique » ne peut plus fonctionner suivant sa logique classique de dominant/dominé.
Pour autant, je ne pense pas que l’opinion qui prône sa remise en cause soit la plus judicieuse, bien qu’elle soit, du reste, respectable. Au demeurant, sans évoquer le fort brassage entre les populations africaines et françaises, il convient de signaler que quel que soit le partenaire, celui-ci sera enclin à défendre ses intérêts. Comme le mentionnait le général de Gaulle, les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. En outre, il est bien établi, d’une part, que la France est dotée d’une grande expertise dans des secteurs comme l’aéronautique, les transports, les NTIC ou encore l’énergie et, d’autre part, que le produit français est réputé être de bonne qualité. Il se pose dès lors la question de savoir pourquoi nos pays devraient-ils s’en priver, sachant qu’ils en ont incontestablement besoin, vu leur statut d’États en voie de construction. On remarquera d’ailleurs que la plupart des conventions conclues entre le Sénégal et la France l’ont été dans des domaines où notre expertise nationale ne s’est pas encore développée. Il suffit de citer l’acquisition du TER et des avions Airbus pour illustrer le propos. Je profite de l’occasion pour dire que je ne suis pas convaincu par ceux qui soutiennent que les accords passés entre notre pays et la France sont léonins et profitent plus à cette dernière. Car, je ne crois pas que le Chef de l’État ait un quelconque intérêt à avantager la France à notre détriment. Pour les raisons suivantes, c’est à lui de trouver des solutions aux nombreux problèmes des sénégalais et c’est les sénégalais qui l’élisent et non les gaulois. Il devient dès lors absurde de penser que celui-ci puisse brader nos intérêts au profit de ces derniers.
On l’aura compris, il me semble que les liens entre l’Afrique et la France doivent être maintenus. Mais, dans la mesure où ils ne peuvent plus être comme avant pour les raisons que j’ai déjà évoquées, ils doivent être repensés, modernisés pour s’adapter aux aspirations de nos populations et aux nouvelles réalités de la géopolitique mondiale. Autrement dit, l’Afrique et la France doivent continuer à coopérer, mais doivent trouver un cadre nouveau, différent de la traditionnelle Françafrique. Il s’agit là d’une condition essentielle pour la survie de leur partenariat. Schématiquement, il s’agit de faire en sorte que les accords qui sont signés soient équilibrés, c’est-à-dire gagnant-gagnants. Je crois fondamentalement que nous pouvons imposer cette nouvelle orientation, d’abord parce que grâce à nos ressources naturelles et notre pouvoir d’attraction, nous sommes en position de force et avons toutes les cartes entre nos mains, ensuite parce que notre élite intellectuelle et politique demeurent aujourd’hui suffisamment imprégnés des enjeux et réalités du monde actuel pour assurer une défense convenable de nos intérêts.
Dr Momath Ndiaye
Enseignant-chercheur en droit
Coordonnateur de la section APR d’Aix-en-Provence (France)
Membre de la cellule de communication de la DSE-France
Mail : nmomath@gmail.com
Auparavant, il y a lieu de relever que lors de cette visite, d’importants accords ont été conclus entre notre pays et l’hexagone. Ces conventions portent dans divers domaines tels que la coopération économique, l’éducation, la sécurité, le transport ferroviaire ou aérien. Aussi, l’occasion a-t-elle été saisie pour mobiliser des fonds substantiels destinés à endiguer l’avancée de la mer, à reloger des familles victimes de l’érosion côtière et à protéger notre patrimoine culturel. C’est donc le lieu de féliciter le chef de l’État Macky Sall et son gouvernement pour ces actes qui matérialisent une fois de plus sa ferme volonté de soulager les populations et de fortifier notre économie.
Cela dit, si nous revenons à la « Françafrique », force est d’admettre qu’elle déchaine les passions et suscite de nombreuses protestations depuis un certain nombre d’années. Les illustrations les plus actuelles sont les manifestations organisées dans le cadre de la lutte contre le FCFA et les APE. Cette hostilité vis-à-vis de l’ancien colon s’explique par diverses raisons. La France demeure notre partenaire privilégié depuis les indépendances. Pourtant, on a le sentiment que cela n’a pas profité à nos États qui continuent de s’enliser dans la précarité et le sous-développement. De plus, nombreux sont ceux qui estiment que le pays du Président Macron a été impliqué dans l’assassinat de certains chefs d’État africains. Ces différents motifs ont conduit la plupart des peuples africains, notamment les jeunesses africaines, à rejeter les français. Les plus radicaux préconisent de rompre purement et simplement tout lien avec ces derniers.
Il est évident que la « Françafrique », en tant que système de domination néocolonial, ne peut plus perdurer. D’abord, sur le plan géopolitique, nous assistons, depuis quelques temps, à de profondes mutations. Grâce à ses belles perspectives de développement et le rôle stratégique qu’elle peut jouer dans la lutte contre le terrorisme, l’Afrique devient de plus en plus la nouvelle attraction du monde. Ensuite, les avancées démocratiques obtenues par nos États ont facilité un éveil des consciences et une forte émancipation des populations africaines. Désormais, celles-ci n’hésitent plus à exercer une pression sur les dirigeants et à réclamer davantage de rigueur et de transparence dans la gestion de leur patrimoine. Il apparaît ainsi que la « Françafrique » ne peut plus fonctionner suivant sa logique classique de dominant/dominé.
Pour autant, je ne pense pas que l’opinion qui prône sa remise en cause soit la plus judicieuse, bien qu’elle soit, du reste, respectable. Au demeurant, sans évoquer le fort brassage entre les populations africaines et françaises, il convient de signaler que quel que soit le partenaire, celui-ci sera enclin à défendre ses intérêts. Comme le mentionnait le général de Gaulle, les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. En outre, il est bien établi, d’une part, que la France est dotée d’une grande expertise dans des secteurs comme l’aéronautique, les transports, les NTIC ou encore l’énergie et, d’autre part, que le produit français est réputé être de bonne qualité. Il se pose dès lors la question de savoir pourquoi nos pays devraient-ils s’en priver, sachant qu’ils en ont incontestablement besoin, vu leur statut d’États en voie de construction. On remarquera d’ailleurs que la plupart des conventions conclues entre le Sénégal et la France l’ont été dans des domaines où notre expertise nationale ne s’est pas encore développée. Il suffit de citer l’acquisition du TER et des avions Airbus pour illustrer le propos. Je profite de l’occasion pour dire que je ne suis pas convaincu par ceux qui soutiennent que les accords passés entre notre pays et la France sont léonins et profitent plus à cette dernière. Car, je ne crois pas que le Chef de l’État ait un quelconque intérêt à avantager la France à notre détriment. Pour les raisons suivantes, c’est à lui de trouver des solutions aux nombreux problèmes des sénégalais et c’est les sénégalais qui l’élisent et non les gaulois. Il devient dès lors absurde de penser que celui-ci puisse brader nos intérêts au profit de ces derniers.
On l’aura compris, il me semble que les liens entre l’Afrique et la France doivent être maintenus. Mais, dans la mesure où ils ne peuvent plus être comme avant pour les raisons que j’ai déjà évoquées, ils doivent être repensés, modernisés pour s’adapter aux aspirations de nos populations et aux nouvelles réalités de la géopolitique mondiale. Autrement dit, l’Afrique et la France doivent continuer à coopérer, mais doivent trouver un cadre nouveau, différent de la traditionnelle Françafrique. Il s’agit là d’une condition essentielle pour la survie de leur partenariat. Schématiquement, il s’agit de faire en sorte que les accords qui sont signés soient équilibrés, c’est-à-dire gagnant-gagnants. Je crois fondamentalement que nous pouvons imposer cette nouvelle orientation, d’abord parce que grâce à nos ressources naturelles et notre pouvoir d’attraction, nous sommes en position de force et avons toutes les cartes entre nos mains, ensuite parce que notre élite intellectuelle et politique demeurent aujourd’hui suffisamment imprégnés des enjeux et réalités du monde actuel pour assurer une défense convenable de nos intérêts.
Dr Momath Ndiaye
Enseignant-chercheur en droit
Coordonnateur de la section APR d’Aix-en-Provence (France)
Membre de la cellule de communication de la DSE-France
Mail : nmomath@gmail.com
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